French, Alice Masak

Autrice, poétesse et survivante des pensionnats autochtones née à l’île Baillie-Hamilton (Nunavut) en 1930 – morte à Souris (Manitoba) en 2013.

Alice French, appelée Masak (littéralement : « la neige mouillée qui tombe ») en inuvialuktun, langue inuite de l’ouest de l’Arctique canadien, naît en 1930 à l’île Baillie-Hamilton dans l’actuel territoire du Nunavut. Son père Anisalouk est un trappeur. Alice Masak French a six ans lorsque sa mère Sanggiak contracte la tuberculose, une maladie alors répandue dans les communautés inuites. Avec son frère Ayounik, Alice Masak French est donc envoyée dans un pensionnat anglican à Aklavik, une ville située à l’extrême nord-ouest des Territoires du Nord-Ouest, dans le delta du fleuve Mackenzie. Sa mère décède des suites de la maladie peu de temps après l’arrivée d’Alice Masak French au pensionnat. Ce déracinement familial et culturel bouleverse la vie de cette dernière. Après sept ans passés en pensionnat, au cours desquels elle voit rarement ses proches, elle retourne auprès de son père, de sa belle-mère et du reste de sa famille, qui mènent le mode de vie nomade traditionnel des Inuvialuit. Alice Masak French doit alors réapprendre ce mode de vie, parcourant le Nunavut au gré des saisons et des ressources. Sa grand-mère, dont elle parle dans son autobiographie My Name is Masak (1976), lui transmet plusieurs savoirs traditionnels. Alice Masak French renoue avec ses racines familiales et culturelles, en dépit de quelques difficultés à maîtriser la langue. À l’âge adulte, elle se marie deux fois et a cinq enfants. Elle épouse Dominick French, son second mari, en 1960. Avec lui, elle passe sept ans en Irlande, années au cours desquelles elle écrit en grande partie son deuxième livre, The Restless Nomad (1992).

Alice Masak French a l’idée d’écrire son autobiographie lorsque ses enfants, curieux d’une époque qu’ils ne connaissent pas, l’interrogent sur son passé. Consciente des différences entre la vie de ses descendants et la sienne, elle décide donc de léguer à ses enfants, à ses descendants et à sa communauté une partie de son histoire personnelle qui s’inscrit dans l’histoire des Inuits. Son premier ouvrage My Name is Masak est publié en 1976, puis réimprimé en 1977 et en 1992. Il fait l’objet de deux éditions en livre audio en 1984 et en 1990. Il est également traduit en français sous le titre Je m’appelle Masak (1979). Dans My Name is Masak, Alice Masak French décrit les quatorze premières années de sa vie, dont son entrée au pensionnat. Le livre s’achève sur la fin des années de pensionnat. Alice Masak French n’a pas pour ambition d’être publiée ou lue à grande échelle : il s’agit pour elle de transmettre son histoire à ses enfants. C’est pour être comprise d’eux qu’elle choisit d’écrire en anglais, et non en inuvialuktun. The Restless Nomad, publié en anglais en 1992, aborde les années suivant la sortie du pensionnat : retour d’Alice Masak French dans sa famille, réapprentissage d’une vie oubliée, premier mariage, naissance de ses enfants, sa rencontre avec son second mari. Le récit s’achève juste avant le départ du couple pour l’Irlande, terre natale de Dominick French. Dans une entrevue accordée à Christina Watson, parue en 2000 dans la revue Canadian Literature, Alice Masak French évoque le processus de guérison qu’a déclenché l’écriture de son deuxième livre. Plusieurs extraits de ses autobiographies paraissent également dans des périodiques, des anthologies et des recueils de nouvelles. Son expérience du pensionnat est relatée dans le volume 2 du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada Pensionnats du Canada : l’expérience inuite et nordique (2015).

Les livres d’Alice Masak French sont importants pour sa famille : ils lui sont adressés, en particulier My Name is Masak, et présentent une partie de l’histoire familiale. Dans My Name is Masak, Alice Masak French nomme par leur nom les personnes de sa famille, une manière pour elle de s’assurer que leurs existences soient connues de leurs descendants. Ses œuvres créent ainsi une filiation entre les générations de sa famille malgré les ruptures causées par le colonialisme. Les ouvrages d’Alice Masak French revêtent également une importance sociale, historique, anthropologique, culturelle et littéraire. Elle y relate son histoire, celle de sa famille, mais aussi celle de sa communauté ; elle présente ainsi un exemple concret des multiples changements vécus par les Inuits du Canada entre les années 1940 à 1980.

À son retour d’Irlande, Alice Masak French vit à Medecine Hat, en Alberta, dans les années 1990 et au début des années 2000. Elle passe les six dernières années de sa vie à Souris, au Manitoba. Elle s’éteint en 2013, entourée de son époux, de leurs enfants et multiples petits-enfants et petits petits-enfants.

La rédaction de cette biographie est basée sur les documents écrits disponibles lors d'une recherche collective réalisée de 2018 à 2021. Il est possible que des coquilles et des faits doivent être corrigés. Si vous constatez une erreur, ou si vous souhaitez rectifier quelque chose dans une biographie d’auteur, merci de nous écrire à imaginairedunord@uqam.ca et nous le ferons avec plaisir. C’est de cette manière que nous arriverons à avoir des présentations plus précises, et à mieux faire connaître et mettre en valeur la culture inuite.

 

(c) Laboratoire international de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, Université du Québec à Montréal, 2018-2021, Daniel Chartier et al.