Goudie, Elizabeth

Pionnière, femme de trappeur et chroniqueuse née à Mud Lake (Nunatsiavut, Labrador) en 1902 – morte à Happy Valley-Goose Bay (Nunatsiavut, Labrador) en 1982.

Elizabeth Goudie, née Elizabeth Blake, naît dans une famille aux origines multiples – inuite, française et anglaise – en 1902, au tournant du XXe siècle, à Mud Lake, petite localité située au centre du Labrador sur les berges de la rivière aujourd’hui appelée Churchill. Sa mère est Sarah Michelin et son père est Joseph Blake. Elle est la petite-nièce de Lydia Campbell, diariste labradorienne du XIXe siècle, première écrivaine inuite du Nunatsiavut et surnommée « tante Lydia » et très aimée de sa communauté : « Tante Lydia » est l’auteure de mémoires, Sketches of Labrador Life (1894), et sa fille Margaret Baikie publie ses mémoires sous le titre Labrador Memories: Reflections at Mulligan (1976). Dans son enfance, Elizabeth Blake suit quatre ans de scolarité formelle et lit la bible quotidiennement. En 1920, elle épouse Jim Goudie, un trappeur, et devient Elizabeth Goudie, à l’âge de 18 ans. Jim Goudie descend d’une lignée de marchands originaires de Québec. Pendant 40 ans, Elizabeth Goudie élève sa famille de huit enfants, seule la plupart du temps, car son mari doit passer plus de la moitié de l’année à travailler sur les sentiers de piégeage. Pour ses enfants, elle est cuisinière, chasseuse, cordonnière, couturière, et même médecin, et elle connaît des événements difficiles, voire dramatiques, notamment le décès de son fils Bruce dans sa petite enfance. La famille Goudie vit de la terre et, par nécessité, doit être autosuffisante à tous les égards. Un fils d’Elizabeth Goudie, Denzil Joseph (Joe) Goudie, né en 1939, entame une carrière de radiodiffuseur à la CBC, puis travaille à la gestion municipale de Happy Valley et exerce un mandat d’élu, puis des charges de ministre au niveau provincial dans les années 1970 et 1980.

C’est à l’âge de 60 ans, avec les encouragements de son neveu, Hector Blake, qu’Elizabeth Goudie écrit ses mémoires, souhaitant consigner les mutations sociales dont elle a été un témoin et offrir à ses petits-enfants un regard personnel sur cette période de l’histoire. Elle achève son ouvrage en juin 1971 et, peu de temps après, un anthropologue de la Memorial University de Saint-Jean de Terre-Neuve, David Zimmerly, lui propose de l’aider à corriger son manuscrit en vue d’une publication. Il rédige une introduction pour l’ouvrage et lui cherche une maison d’édition. En 1973, Women of Labrador est publié par Peter Martin Associates à Ottawa en Ontario. Les critiques littéraires n'ont cessé de faire l'éloge de ces mémoires, les premières publiées qui décrivent la vie d'une famille de trappeurs du Labrador et sa survie dans le contexte du développement industriel du Labrador : en effet, un aéroport international est construit à Happy Valley-Goose Bay pendant la Seconde Guerre mondiale et l’entrée du Labrador dans la Confédération canadienne en 1949 induit de nombreux changements dans la vie quotidienne des habitants de la dixième province du Canada. Woman in Labrador est réimprimé en 1974, 1975 et 1979. La popularité du livre est telle que les éditions Agincourt en lancent une nouvelle édition en 1983 et qu’en 1996, Nimbus Publishing, à Halifax en Nouvelle-Écosse, réédite l’ouvrage, puis le réimprime en 2000, 2008 et 2014. Très vite, Woman in Labrador est publié par extraits dans plusieurs manuels scolaires et anthologies littéraires locales. Preuve de la position significative d’Elizabeth Goudie dans le paysage culturel local, Them Days, le magazine d'histoire et de littérature orale du Labrador, publie deux articles en 1977 : une lettre écrite par Elizabeth Goudie à sa tante le 2 février 1968, intitulée « Elizabeth Goudie : Lester's Point News (1968) » et « I know her as Betsy », souvenirs d’elle recensés par sa famille.

Il ne faut pas oublier le rôle joué par Elizabeth Goudie dans la redécouverte de l’œuvre littéraire de Lydia Campbell, Sketches of Labrador Life : Elizabeth Goudie hérite de l’œuvre et autorise Them Days à la reproduire et à la publier en 1980.

En 1975, Elizabeth Goudie fait aussi donation de plusieurs documents importants aux archives de Them Days : parmi ces documents, un court récit, dont elle est l’auteure, intitulé « Aunt Annie Blake » (1975) et qui pourrait avoir été réédité sous le titre « Aunt Annie and Uncle Bert » dans l’anthologie East of Canada. An Atlantic Anthology (1976). En 1982, Elizabeth Goudie fait donation du manuscrit original de Woman of Labrador, ainsi qu’une copie du tapuscrit de David Zimmerly à la bibliothèque de l’Université Memorial.

En 1975, c’est cette même université qui a décerné à Elizabeth Goudie un doctorat honorifique en reconnaissance de sa contribution à l’histoire culturelle du Labrador. En 1980, le bâtiment qui abrite le gouvernement provincial à Happy Valley-Goose Bay est baptisé d’après elle. Les vies d'Elizabeth Goudie et de ses enfants, notamment Joe l’homme politique et Horace le trappeur, font l'objet d'un documentaire de l'Office national du film du Canada intitulé A Family of Labrador (1978). Les mémoires d’Elizabeth Goudie inspirent à Andy Vine, auteur-compositeur-interprète terre-neuvien, à la chanson Woman of Labrador en 2005, et à Sherry Smith, actrice et dramaturge canadienne, le spectacle solo Woman of Labrador: The Elizabeth Goudie Story, qui a été joué à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse et en Ontario dans les années 2000.

Les mémoires d'Elizabeth Goudie offrent un point de vue unique de femme sur la vie au Labrador au XXe siècle. L’on se souvient d’elle comme d’une historienne culturelle d’importance bien après son décès à Happy Valley-Goose Bay en 1982.

La rédaction de cette biographie est basée sur les documents écrits disponibles lors d'une recherche collective réalisée de 2018 à 2021. Il est possible que des coquilles et des faits doivent être corrigés. Si vous constatez une erreur, ou si vous souhaitez rectifier quelque chose dans une biographie d’auteur, merci de nous écrire à imaginairedunord@uqam.ca et nous le ferons avec plaisir. C’est de cette manière que nous arriverons à avoir des présentations plus précises, et à mieux faire connaître et mettre en valeur la culture inuite.

 

(c) Laboratoire international de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, Université du Québec à Montréal, 2018-2021, Daniel Chartier et al.