Rasmussen, Knud

Explorateur et ethnologue né à Jakobshavn (Groenland) en 1879 – mort à Gentofte (Danemark) en 1933.

Knud Rasmussen, également appelé Knud Johan Victor Rasmussen, est né à Jakobshaven (auj. Ilulissat), la ville la plus importante du nord-ouest du Groenland. Enfants de Christian Rasmussen, missionnaire et linguiste danois, et de Louise Fleischer, Groenlandaise d’ascendance danoise et inuite, Knud Rasmussen et ses deux frères grandissent au Groenland, entourés de paysages montagneux. Knud Rasmussen, que l’on surnomme alors “Kunũnguaĸ” (petit Knud), apprend très jeune à guider les chiens de traîneau et, à l’âge de huit ans, il reçoit de son père un fusil et un traîneau à chiens. Il fréquente l’école primaire de Jakobshavn. Dès son enfance, bercé par les mythes et légendes groenlandais, il rêve de se rendre tout au nord de l’île pour y rencontrer les Inuits qui vivent près du cap York (auj. Innaanganeq) et du détroit de Smith. Il imaginait à cette époque y trouver un peuple isolé par la glace perpétuelle, privé de la lumière du jour.

En 1891, Knud Rasmussen se rend au Danemark pour faire ses études secondaires à Nørrebro, un quartier de Copenhague. Il fait l’expérience d’un décalage culturel brutal entre sa contrée natale et son pays d’adoption. Rejoint par sa famille en 1896, il fréquente pendant quelques semestres l’université de Copenhague ; faute de trouver une discipline de spécialité, il renonce aux études universitaires. Entre les années 1898 et 1900, il s’essaie, sans succès, aux métiers de comédien et de chanteur d’opéra. En 1900, il se tourne finalement vers le journalisme et couvre un voyage en Islande, dans le cadre duquel il rencontre l’explorateur et journaliste danois Ludvig Mylius-Erichsen. En 1901, Knud Rasmussen devient journaliste correspondant à Stockholm pour le Kristeligt Dagblad. C’est pour le compte de ce journal danois qu’il couvre les Jeux nordiques, occasion pour lui de se rendre en Laponie (auj. Sápmi) suédoise et norvégienne, également en 1901. Il relate ce premier voyage dans Lapland (1907), traduit en anglais en 1908, en suédois en 1909 et en français en 2001.

À partir de 1902, Knud Rasmussen renoue avec sa terre natale et amorce une carrière d’explorateur. Sollicité par son ami Ludvig Mylius-Erichsen, et aux côtés du peintre danois Harald Moltke, il rejoint l’entreprise qui passera à la postérité sous le titre d’« expédition littéraire danoise du Groenland » (en danois : Den danske litterære Grønlands-Ekspedition). Cette expédition, qui se déroule entre 1902 et 1904, a pour objectifs d’explorer la baie de Melville (nord-ouest du Groenland), de rencontrer les Inughuits, Inuits du détroit de Smith, et de collecter leurs traditions orales. L’expédition est une épreuve physique pour cette équipe essentiellement composée de voyageurs inexpérimentés : l’été groenlandais les expose à l’humidité et aux maladies. Mais Knud Rasmussen, interprète du groupe, fait de cette expédition un succès grâce à son expérience du pays et à sa maîtrise de la langue groenlandaise, le kalaallisut. Il collecte nombre de légendes, mythes et histoires auprès des communautés inuites ; il parvient à établir un bon contact avec les personnes qu’il rencontre et se découvre un talent pour la recherche ethnographique. Au terme de ce voyage, il retranscrit scrupuleusement les différents témoignages et les traduit ensuite en danois et en anglais. Son travail de recherche donne lieu à deux publications : Nye Mennesker (1905), ouvrage consacré aux Inughuits, traduit en allemand en 1907, en anglais en 1908 et en groenlandais en 1909 ; Under nordenvindens svøbe (1906), ouvrage consacré à l’ouest et à l’est du Groenland. Ces premiers travaux valent à Knud Rasmussen l’admiration et l’estime du philologue danois William Thalbitzer. En 1908, en compagnie d’un groupe de personnes intéressées par la culture groenlandaise, Knud Rasmussen fonde la Société littéraire groenlandaise (en danois : Det grønlandske litteratur-selskab), dont la mission est de favoriser l’édition d’ouvrages en kalaallisut et leur diffusion. Cette société, qui sera dissoute en 1930 dans la Folkeoplysningsforening (littéralement : « Association d’information populaire »), sera l’organe de publication principal des récits d’exploration de son fondateur. La diffusion de la littérature groenlandaise, ainsi que la diffusion au Groenland d’œuvres étrangères, est une mission à laquelle est attaché Knud Rasmussen : en 1911, il traduit vers le groenlandais trois sagas islandaises médiévales relatant la découverte du Groenland et de l’Amérique ; en 1915, c’est vers le danois qu’il traduit Singnagtugak (1914) de Mathias Storch, premier roman jamais paru au Groenland, qu’il analyse et commente dans plusieurs articles la même année.

En 1908, Knud Rasmussen se marie avec Dagmar Andersen, la fille d’un homme d’affaires danois. Installée à Uummannaq depuis 1903, Dagmar Andersen est une amie de longue date de son époux : elle a appris à lire et à écrire le kalaallisut et assiste Knud Rasmussen dans ses travaux de retranscription, notamment à l’hiver 1905-1906. Malgré le lien qui unit le couple, les époux seront régulièrement séparés par les multiples expéditions de Knud Rasmussen. Peu après son mariage, ce dernier rencontre l’explorateur et anthropologue danois Peter Freuchen, qui devient son partenaire d’affaires, son compagnon d’expédition et son meilleur ami. C’est avec ce dernier et le pionnier danois Marius Ib Nyeboe que Knud Rasmussen met sur pied à Uummannaq un comptoir de commerce, qu’il baptise Thulé (à ne pas confondre avec la future base américaine de Thulé, située bien plus au nord du pays). Ce comptoir de commerce est le moyen de protéger le monopole danois sur le Groenland, alors menacé par le projet du Norvégien Otto Sverdrup qui souhaite établir un comptoir dans le nord-ouest du Groenland. Thulé sera également le point de départ des expéditions de chasse de Peter Freuchen et Knud Rasmussen pour la traite des fourrures, puis des sept expéditions savantes, dites « Expéditions de Thulé », qu’ils entreprendront en 1912 et 1933. Au fil des années, grâce aux profits générés par les expéditions de chasse, le comptoir s’agrandit : se construisent des boutiques, une église et un hôpital ; des donations sont faites au village voisin. Grâce aux activités économiques du comptoir de Thulé, les Inuits sont aujourd’hui en mesure de financer eux-mêmes les expéditions et les recherches scientifiques consacrées à leur propre culture.

C’est pour ses Expéditions de Thulé que Knud Rasmussen devient l’explorateur et ethnographe le plus connu de son époque au Danemark. Les quatre premières expéditions de Thulé conduisent Knud Rasmussen et ses compagnons dans le nord et l'est du Groenland, afin d’étudier les conditions de vie des communautés inuites et de recueillir leurs histoires. La première Expédition de Thulé (1912) a pour objectif de cartographier la terre de Peary (extrême nord du Groenland) et d’établir qu’il s’agit bien d’une péninsule ; elle est relatée dans un livre, Min Rejsedagbog : Skildringer fra den første Thule-Ekspedition paru en 1915. L’ouvrage connaît plusieurs réimpressions ; il est également traduit en suédois en 1915, en groenlandais en 1916 et en allemand en 1938. La deuxième Expédition de Thulé (1916-1918) permet à Knud Rasmussen de parfaire la cartographie des zones les plus septentrionales du Groenland, qui sont étudiées sur les plans géologique, botanique et ethnographique. Cette expédition donne lieu à une publication : Grønland langs Polhavet. Udforskningen af Grønland fra Melvillebugten til Kap Morris Jessup. Skildringer fra den 2. Thule-ekspedition, 1916–18 (1919). L’ouvrage est traduit en suédois en 1919, en anglais en 1921 et en allemand en 1922. La troisième Expédition de Thulé (1918), à laquelle Knud Rasmussen ne participe pas personnellement, consiste à apporter des vivres et des ressources à l’explorateur norvégien Roald Amundsen, qui dérive dans le passage du Nord-Est à bord de son navire, la Maud. Les quatrième (1919), sixième (1931) et septième (1933) Expéditions de Thulé ont pour objectif de collecter mythes, légendes et données ethnographiques auprès de la communauté inuite d’Ammassalik, située dans une région très isolée de l’est du Groenland. Chaque expédition est documentée par des articles et des recensions que Knud Rasmussen publie régulièrement en danois et en anglais dans le Geografisk Tidskrift, revue danoise de géographie, et les Meddelelser om Grønland, revue scientifique danoise consacrée à l’étude du Groenland.

Il convient d’évoquer plus en détail la cinquième Expédition de Thulé, qui est l’expédition la plus célèbre et la plus significative de Knud Rasmussen. Cette expédition a comme but ultime de retracer les origines du peuple inuit, du Groenland à la Sibérie, dans une optique circumpolaire. Entre 1909 et 1921, il envisage trois itinéraires alternatifs pour cette expédition. C’est en juin 1921 que le groupe, constitué de certains des plus grands scientifiques du Danemark, dont l'archéologue Therkel Mathiassen, l’ethnographe Kaj Birket-Smith et l’auteur Helge Bangsted, quitte Copenhague et navigue en direction du Groenland à bord du Bele. Après un passage par le comptoir de Thulé, la navigation se poursuit jusqu’à la baie d’Hudson au début du mois de septembre 1921 à bord du Søkongen. Le camp de base est établi sur une petite île de la région, qui est par conséquent baptisée Danish Island, au nord-ouest de la baie d’Hudson, dans l’actuel Nunavut. L’équipe effectue plusieurs voyages en traîneaux à chiens à partir de cette île et établit un contact avec plusieurs communautés inuites et autochtones dans les environs de Repulse Bay (auj. Naujaat) et de l’île Southampton, entre la Baie d’Hudson et le passage du Nord-Ouest. Un large éventail de données ethnographiques et archéologiques est recueilli. Le 11 avril 1923, tandis que Peter Freuchen amorce son voyage de retour vers le Groenland, Knud Rasmussen quitte Danish Island en direction de l’Ouest. Avec ses compagnons inuits groenlandais Qavigarssuaq et Arnarulunnguaq – cette dernière serait probablement la première femme à participer à une expédition de recherche de cette ampleur – il voyage sur deux traîneaux de douze chiens. Tous les trois cheminent dans le nord de l’actuel Nunavut, de Repulse Bay jusqu’au détroit de Rae en passant par la péninsule de Boothia, et récolte des informations sur les Inuits de Netsilik, un des groupes inuits de la côte arctique du Canada. Après avoir passé l’été et l’automne 1923, puis l’hiver 1924 sur l’île du Roi-Guillaume, ils poursuivent leur expédition et arrivent en Alaska au mois de mai 1924. C’est après six mille kilomètres parcourus en traîneau à chiens que leur expédition s’achève à Cap Glacier, au nord-ouest de l’Alaska. Knud Rasmussen revient ensuite au Danemark où il est triomphalement accueilli.

Les nombreuses données ethnographiques recueillies durant la cinquième Expédition de Thulé comprennent une grande variété d'artefacts et d'entretiens, et demeurent jusqu’à aujourd’hui un précieux témoignage de la culture et de l'histoire orale des Inuits. Un rapport en dix volumes sur plusieurs sujets qui concernent l’expédition intitulé Report of the Fifth Thule Expedition 1921–1924. The Danish Expedition to Arctic North America in Charge of Knud Rasmussen est publié en anglais entre 1927 et 1952 par différents membres de l’expédition. Les études entreprises pendant la cinquième Expédition de Thulé constituent un moment-charnière en ethnologie et en anthropologie de l’Arctique. Outre plusieurs rapports de recherche sur l'archéologie, l'anthropologie physique, la géographie physique, la géologie, la botanique et la zoologie, Rasmussen rédige des monographies sur l'ethnologie des Inuits de Kivalliq (ouest de la baie d’Hudson), des Inuits Netsilik (nord de l’île de Baffin), des Inuits Iglulik (nord de l’île de Baffin) et des Kitlinermiut (région de Kitikmeot dans l’actuel Nunavut et région d’Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest). Cependant, l’ouvrage qui connaît une véritable diffusion populaire et internationale est le récit que fait Knud Rasmussen de sa traversée de l’Arctique en traîneau : Fra Grønland till Stillehavet (littéralement : « Du Groenland au Pacifique ») paraît en deux volumes en 1925 et en 1926. L’ouvrage connaît plusieurs traductions : l’on peut mentionner, de manière non exhaustive, deux traductions allemandes, la première en 1926, la seconde en 2006 ; une traduction anglaise en 1927 ; une traduction groenlandaise en 1928 ; une traduction française en 1929 et une traduction espagnole en 1930. Notons que Knud Rasmussen publie également en 1928 un récit abrégé de son expédition, sous le titre Den store slæderejse (littéralement : « Le grand voyage en traîneau »). Ce récit est régulièrement réédité en danois ; il est aussi traduit en russe en 1935, en tchèque en 1938, en norvégien en 1938, en allemand en 1942, en français en 1948 et en italien en 2011.

La cinquième Expédition de Thulé donne de manière incontestable sa stature internationale d’ethnologue et d’explorateur à Knud Rasmussen. Dès 1923, et alors qu’il est encore en pleine traversée de l’Arctique canadien, la Société royale géographique de Londres lui décerne sa Founder’s Gold Medal (« médaille d’or du fondateur ») ; devant cette même Société, il prononce une conférence le 9 novembre 1925, éveillant des vocations chez les jeunes explorateurs britanniques. La Société royale de géographie du Danemark lui remet la médaille Hans Egede en 1924 ; il reçoit deux doctorats honorifiques : de l’université de Copenhague (Danemark) (1925) et de l’université Saint Andrews (Écosse) (1927). Au cours des années 1920, de nombreuses distinctions lui sont remises : Ordre du Dannebrog (Danemark), Ordre de saint Olaf (Norvège), Ordre de la Rose blanche (Finlande), Ordre royal de l’Étoile polaire (Suède) ; il devient membre de nombreuses sociétés de géographie à travers l’Europe.

C’est auréolé d’une reconnaissance internationale que Knud Rasmussen publie sa somme en trois volumes, Myter og sagn fra Grønland (« Mythes et légendes du Groenland ») entre les années 1921 et 1925. C’est le produit des collectes de contes effectuées au cours des deux premières expéditions de Thulé : le premier volume traite de l’est du Groenland (1921), le deuxième volume (1924) est consacré à l’ouest du Groenland et le troisième volume (1925) à l’extrême nord du pays et au cap York. Un quatrième volume était planifié, mais n’a pas vu le jour. L’ouvrage est réédité, toujours en trois volumes, entre 1978 et 1979. Une édition danoise abrégée, réalisée par l’auteur danois Jørn Riel, fin connaisseur du Groenland, paraît en 1994. Il est permis de considérer que cet ouvrage de Knud Rasmussen constitue la base d’une grande majorité des recueils de contes du Groenland qui sont publiés et diffusés à travers le monde jusqu’à aujourd’hui. Il a d’ailleurs circulé grâce aux traductions, le plus souvent abrégées, qui paraissent très rapidement après sa publication. Par exemple, l’on peut mentionner – sans prétendre à l’exhaustivité – une traduction anglaise en 1921, allemande en 1922 et suédoise en 1926. Le lectorat francophone n’a accès aux contes collectés par Rasmussen qu’à partir de 1998. Retracer la réception de ce travail de collecte est mission impossible : l’on retiendra que les éditions abrégées, notamment à destination de la jeunesse, sont légion, jusqu’à aujourd’hui, dans le monde entier.

À cet égard, précisons que l’apport de Knud Rasmussen à la connaissance des mythes et légendes de l’Arctique canadien, et tout particulièrement de l’actuel Nunavut, est tout aussi essentiel. Nombre des récits qui ont pu être collectés au cours de la cinquième Expédition de Thulé alimentent les recueils de légendes inuites canadiennes. Si nous nous en tenons à l’espace culturel anglophone – et que nous renonçons là encore à l’exhaustivité – nous pouvons mentionner les ouvrages suivants : A Kayak Full of Ghosts. Eskimo Tales (1987) de Lawrence Millman ; Northern Tales. Traditional Stories of Eskimo and Indian Peoples (1990) de Howard Norman ; ou encore Northern Voices. Inuit Writing in English (1988) de Penny Petrone, Les travaux consacrés aux littératures inuites canadiennes mentionnent nécessairement les contes collectés par Knud Rasmussen dans l’actuel Nunavut, lorsqu’ils abordent les origines de ces littératures orales ; l’on songe à ceux de Robin McGrath, de Keavy Martin et de Nelly Duvicq. Le recueil de contes et légendes d’Alaska Festens gave. Eskimoiske Alaska-eventyr que publie Knud Rasmussen en 1929 connaît une fortune semblable : sa traduction anglaise (1932) et allemande (1937) sont régulièrement réimprimées et rééditées jusqu’à nos jours.

La notoriété n’éloigne pas Knud Rasmussen de sa passion première : l’exploration de l’Arctique. En 1931, il effectue la sixième expédition de Thulé, qui consiste à longer la côte est du Groenland pour confirmer la revendication territoriale du Danemark sur le Groenland, à la suite d’une menace de la Norvège. L’expédition qui part de Julianehåb (auj. Qaqortoq), puis revient s’achever à Aapilattoq, au sud de l’île, permet de recueillir des données cartographiques, un travail qui se poursuit lors de la septième Expédition de Thulé. Cette expédition sera la dernière de Knud Rasmussen : affaibli par une intoxication alimentaire, il contracte une pneumonie et doit rentrer au Danemark. Il décède le 21 décembre 1933 à l’hôpital de Gentofte, au nord de Copenhague.

Knud Rasmussen a consacré sa vie à l'étude du peuple inuit, de sa langue, de sa culture et de son histoire : cela lui vaut d’être désigné comme « le père de l’esquimaulogie » par le géographe et anthropologue français Jean Malaurie dans son ouvrage Les derniers rois de Thulé (1955). De fait, ses différents travaux scientifiques sont toujours considérés comme l'une des meilleures sources d'information ethnographique sur l'Arctique. La revue Études Inuit Studies de l’université Laval consacre à Knud Rasmussen un numéro spécial en 1988, « L’œuvre de Knud Rasmussen. The work of Knud Rasmussen » ; il s’agit du premier numéro monographique de cette revue, qui adopte habituellement une perspective thématique. Dans ledit numéro, l’on consultera avec profit la bibliographie quasiment exhaustive de l’œuvre de Knud Rasmussen, dressée par Inge Kleivan, Rolf Gilberg, Ernest S. Burch et Jean-Loup Rousselot. Pour les spécialistes de la culture et de l’histoire de l’Arctique, nombreux sont les apports de Knud Rasmussen, notamment sur le sens de la temporalité chez les Inuits, sur leur rapport au récit, aux catégories occidentales de fiction, de mensonge et de vérité. Sa connaissance intime du Groenland et son rôle double – à la fois savant qui étudiait les cultures inuites et Inuit dépositaire de ces cultures – font de lui un ethnologue au style inédit, jusque dans la manière dont il collectait les mythes et légendes auprès de ses informateurs : par une répétition incantatoire de leurs paroles, avant de les coucher sur le papier.

Knud Rasmussen est considéré comme un héros populaire, tant au Danemark qu’au Groenland. Sa maison natale d’Ilulissat est désormais un musée, qui lui est en grande partie consacré, tout comme sa maison de Hundested au Danemark. Sa maison de Thulé a été transportée et reconstruite plus au nord, à Qaanaaq, à proximité d’une autre Thulé. La ville de Sisimiut, au centre-ouest du Groenland, a une école Knud Rasmussen. Au Danemark, le Musée national du Danemark, qui lui doit environ 16 000 artefacts, possède une salle Knud Rasmussen. À travers le monde, de nombreuses rues portent le nom de Knud Rasmussen : en Allemagne et en Autriche, des rues Knud-Rasmussen existent à Greifswald, Güstrow, Ingolstadt, Lübeck, Rostock, Vienne et Wilhelmshaven. La mémoire de Knud Rasmussen est également immortalisée dans la culture et la littérature : l’on peut mentionner le récit biographique Knud Rasmussen som jug husker ham : fortalt for ungdommen (1934) de son ami Peter Freuchen, traduit en anglais sous le titre I Sailed with Rasmussen (1958); l’on peut aussi mentionner White Eskimo : Knud Rasmussen’s fearless journey into the heart of the Arctic (2015) de Stephen R. Bown, ou encore le film biographique danois Knud Rasmussen – den store fortryller (2017) de Louise Birk Petersen. Enfin, Knud Rasmussen a imposé sa marque sur les paysages de l’Arctique, du Groenland jusqu’au Canada : l’on trouve au Groenland un cap Rasmussen, un mont Rasmussen, un glacier Rasmussen ou encore une chaîne de montagne Rasmussen (également appelée Usugdluk) ; dans l’actuel Nunavut se trouve le Rasmussen Basin. Ce ne sont là que quelques-uns des multiples hommages rendus à Knud Rasmussen jusqu’à nos jours.

Des voix inuites ont, elles aussi, exprimé leur point de vue sur l’œuvre et l’héritage de Knud Rasmussen, ce passeur de culture entre deux mondes, et il convient d’en rendre compte. Mentionnons une réclamation formulée en 1990 par les autorités des communautés inuites de l’ouest de la baie d’Hudson auprès du Musée national du Danemark : le rapatriement des ossements de plusieurs dizaines d’Inuits, dont Knud Rasmussen et ses compagnons s’étaient emparés lors de la cinquième Expédition de Thulé. En 1991, ces ossements sont restitués à Repulse Bay, où ils sont inhumés. L’on peut enfin mentionner le regard ambivalent que porte le poète et homme politique groenlandais Aqqaluk Lynge sur la figure de Knud Rasmussen : dans deux poèmes de son recueil Des veines du cœur au sommet de la pensée (2012 ; version originale bilingue groenlandais/anglais en 2008), c’est à Arnarulunnguaq, compagne de voyage oubliée de Knud Rasmussen, qu’il préfère rendre hommage.

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La rédaction de cette biographie est basée sur les documents écrits disponibles lors d'une recherche collective réalisée de 2018 à 2021. Il est possible que des coquilles et des faits doivent être corrigés. Si vous constatez une erreur, ou si vous souhaitez rectifier quelque chose dans une biographie d’auteur, merci de nous écrire à imaginairedunord@uqam.ca et nous le ferons avec plaisir. C’est de cette manière que nous arriverons à avoir des présentations plus précises, et à mieux faire connaître et mettre en valeur la culture inuite.

 

(c) Laboratoire international de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, Université du Québec à Montréal, 2018-2021, Daniel Chartier et al.