Rosing, Jens

Écrivain, artiste visuel, éleveur de rennes, directeur et conservateur de musée né à Jakobshavn (auj. Ilulissat, Groenland) en 1925 - mort à Humlebæk (Danemark) en 2008.

Jens Rosing, aussi appelé Jens Christian Rosing, est né en 1925 à Jakobshavn (auj. Ilulissat) au Groenland. Il est le fils de l’écrivain et peintre Otto Pavia Jørgen Rosing et de Sara Gertrud Vilhelmine Birgitte Siegstad. Avec ses parents et son frère Emil Rosing, il passe une partie de son enfance dans la région d’Ammassalik (ou Angmassalik), à l’est du Groenland, où son père et son oncle paternel Peter Rosing exercent tous deux la fonction de pasteur, sur les traces de leur père Christian Rosing, missionnaire et auteur du livre Tunuamiut (1906), consacré aux Groenlandais de l’Est. Jens Rosing fait ses études secondaires au Danemark et obtient son diplôme en 1944. Entre 1944 et 1946, il travaille pour le Kongelige Grønlandske Handel, compagnie d’État danoise qui administre le monopole commercial établi sur la colonie groenlandaise. De 1947 à 1948, Jens Rosing fréquente la Akademiet for Fri og Merkantil Kunst, une école où sont formés des graphistes et des dessinateurs aux métiers d’arts appliqués. De 1948 à 1950, il entreprend une formation en peinture à l’Académie royale danoise des beaux-arts du Danemark (Kongelige Danske Kunstakademiet) où il suit notamment l’enseignement du peintre danois Kristen “Kraesten” Iversen (1886-1955).

Pendant la décennie des années 1950, Jens Rosing prend ses distances avec sa formation artistique et développe une aptitude pour une pratique traditionnelle sâme : l’élevage de rennes. En 1950, il séjourne à Hallingdal, une vallée située dans l’est de la Norvège, puis, en 1951, se rend dans plusieurs communautés sâmes en Laponie finlandaise et suédoise pour apprendre les rudiments de cette pratique. En 1952, il retourne au Groenland et y introduit plusieurs centaines de rennes en provenance du Finnmark — Finnmárkku fylka en langue sâme — de Norvège. Précurseur dans ce domaine d’activité au Groenland, Jens Rosing dirige entre 1952 et 1959 une ferme de rennes dans la région de Godthåbsfjorden (auj. Nuup Kangerlua, Gilbert Sound ou Baal’s River), un fjord situé dans le sud-ouest du Groenland. En 1952, année de son installation au Groenland, Jens Rosing épouse la Danoise Dagny Nielsen. Ensemble, ils ont quatre enfants : trois garçons — dont Minik Rosing, géologue, né en 1957 et aujourd’hui établi à Concord (Massachusetts, États-Unis) — et une fille, l’artiste Ina Rosing, née en 1965.

En 1959, Jens Rosing retourne au Danemark pour se consacrer à son art, mais aussi pour permettre à ses enfants d’être scolarisés plus aisément. Il conserve pourtant un lien fort avec le Groenland : il prend ainsi part à trois expéditions successives, organisées en 1960, 1961 et 1963 par le Musée national (Nationalmuseet) de Copenhague dans l’ouest et dans l’est du Groenland. Quelques années plus tard, il retourne à Nuuk (Groenland) où il est d’abord conservateur, puis, entre 1976 et 1978, directeur du Musée national du Groenland (Nunatta Katersugaasivia Allagaateqarfialu). C’est au cours de son mandat en tant que directeur du musée que sont découvertes les momies de Qilakitsoq, sur le territoire de la municipalité d’Avannaata, dans le nord-ouest de l’île : il s’agit de l’une des découvertes archéologiques les plus significatives du Groenland. Dans le cadre de ces missions de préservation et de sauvegarde du patrimoine groenlandais, Jens Rosing prend part à une expédition organisée en 1979 et en 1980 en hommage à l’explorateur et ethnologue Knud Rasmussen. Au cours de cette même période, soit de 1960 à 1974, Jens Rosing devient vice-président de la Grønlandske Selskabet (Société groenlandaise), société savante fondée à Copenhague en 1905, qui a pour mission de diffuser les connaissances relatives au Groenland et d’entretenir les relations d’amitié entre le Groenland et le Danemark. Jens Rosing répond lui-même à ces mandats en publiant régulièrement des articles de vulgarisation scientifique sur la culture du Groenland dans le Tidskriftet Grønland, revue de la Grønlandske Selskabet fondée en 1953. En collaboration avec l’historienne danoise Tinna Møbjerg et le peintre danois Asger Jorn, il publie successivement deux ouvrages en danois, le premier consacré à l’art traditionnel groenlandais (2001), le second consacré à l’art traditionnel sâme (2005), souvenir de ses années passées dans le nord de la Scandinavie. Chacun de ces ouvrages fait l’objet d’une traduction anglaise l’année même de leurs publications respectives.

Jens Rosing n’est pas seulement attaché à la préservation du patrimoine de son pays, il contribue également à enrichir ce patrimoine par une œuvre pluridisciplinaire considérable. Tout au long de sa vie, il mène de front une carrière d’artiste visuel, en tant que dessinateur et plasticien, et une carrière d’homme de lettres. L’artiste visuel Jens Rosing lègue au Groenland une œuvre magistrale, dont on ne citera que quelques exemples : en 1963, il conçoit la décoration du Grønlands Seminarium (école de formation des enseignants) de Nuuk ; en 1965, il conçoit l’autel de l’église d’Aasiaat (aussi appelée Egedesminde), dans le nord-ouest du Groenland ; en 1997, il conçoit la décoration de la salle d’assemblée du parlement du Groenland (Inatsisartut), à Nuuk. Jens Rosing conçoit aussi le design de plusieurs décorations officielles. Pendant cinquante ans (1957-2007), les illustrations de Jens Rosing sont utilisées sur un peu plus d’une centaine de timbres, soit un tiers des timbres émis par la Grønlands Postvæsen (poste groenlandaise). C’est aussi à Jens Rosing que le Groenland doit la création de son armoirie nationale, adoptée le 1er mai 1989 par le Parlement du Groenland (l’Inatsisartut) : un ours polaire, symbole de la faune groenlandaise, sur le fond bleu des océans Atlantique et Arctique qui ceignent le pays. Jens Rosing réalise également les illustrations de plusieurs ouvrages : parmi ses réalisations les plus marquantes, l’on peut mentionner Fuglene i menneskernes land, livre consacré aux oiseaux du Groenland par l’ornithologue danois Finn Salomonsen, et dont le travail d’illustration occupe Jens Rosing entre 1974 et 1979 ; en 1994, c’est la nouvelle édition du premier ouvrage d’histoire de la littérature groenlandaise, Kalaallit atuakkiaat 1990 ilanngullugu (initialement paru en 1957) de Christian Berthelsen, qui arbore une illustration de Jens Rosing pour chacun de ses chapitres. L’œuvre de dessinateur et de plasticien de Jens Rosing fait l’objet de plusieurs expositions, collectives et individuelles, principalement au Danemark, entre les années 1970 et 1990. Notons que cet artiste visuel s’essaie aussi à un autre médium artistique : au tournant des années 1960 et 1970, il réalise cinq court-métrages : Den sidste konebådsrejse (1966), Umialik (1967), Tasiussaĸ (ou Tasiussaq) (1969), Emilie fra Sarĸaĸ (ou Emilie fra Sarqaq) (1971) et Havet ved Grønland (1972). Les deux derniers titres, qui s’intéressent plus particulièrement aux techniques de pêche inuites traditionnelles, ont été tournés et réalisés pour le compte du Kongelige grønlandske Handel, au sein duquel Jens Rosing avait commencé sa carrière.

Jens Rosing mène également une carrière d’écrivain. Il écrit de nombreux récits, poèmes, chroniques et ouvrages ethnographiques, dont nous mentionnerons les plus marquants. Son premier récit est publié en 1954 sous le titre Den dragende flok et compile des souvenirs de son expérience d’éleveur de rennes dans le nord de la Norvège. Il publie ensuite en 1960 Isimardik. Den store drabsmand. Toutefois, selon Kirsten Thisted, spécialiste de la littérature groenlandaise et des études postcoloniales, c’est son recueil de contes et légendes groenlandaises, Sagn og Saga fra Angmassalik, qui serait son œuvre la plus significative. L’ouvrage est co-édité en 1963 par le Nationalmuseet, la grønlandske Selskabet et les éditions Rhodos. Ce recueil est composé à partir d’enregistrements effectués par Jens Rosing lui-même, mais aussi par son père Otto Rosing et son oncle Peter Rosing. Il s’agit d’une source ethnographique capitale pour la littérature groenlandaise. On y retrouve entre autres le poème « Drabet på Simujoq og Pilákân (fortalt til Otto Rosing af Tiardúko) », qui sera réédité en 1983 dans l’anthologie de Christian Berthelsen et Karen Langgaard, Grønlandsk litteratur : en kommenteret antologi. Ammassalik, région de l’enfance de Jens Rosing, est aussi mise à l’honneur dans une autre publication de Jens Rosing, Kimilik. Digte fra Angmassalik (1970), qui regroupe elle aussi des chants originaires de l’est du Groenland. L’exemple de son père et de son oncle ainsi que son expérience professionnelle de conservateur et de directeur de musée influencent les écrits de Jens Rosing, qui sont essentiellement orientés vers la transmission de la littérature orale groenlandaise et le récit de l’histoire de son pays : en témoignent l’ouvrage Ting og undere i Grønland (1973), consacré à la découverte viking du Groenland et de l’Amérique (Xe siècle), traduit vers l’anglais en 2000, ou encore l’ouvrage Himlen er lav (1979), dans lequel Jens Rosing décrit la découverte des momies de Qilakitsoq et les études scientifiques qui en ont découlé. Il illustre lui-même cet ouvrage par des dessins à l’aquarelle. Le livre est traduit en anglais en 1986 sous le titre The Sky Hangs Low. Dans l’œuvre de Jens Rosing, une publication en particulier associe l’ambition de la fiction littéraire aux centres d’intérêt historiques et ethnologiques de l’auteur : Hvis vi vågner til havblik : en slægtssaga fra Østgrønland (1992). Dans cette chronique d’une famille groenlandaise sur plusieurs générations, Jens Rosing tente de capturer l’essence de la culture des Groenlandais de l’Est, parmi lesquels il a passé son enfance. L’ouvrage est traduit en français en 2007 sous le titre Si nous nous réveillons par temps calme : une saga familiale du Groenland oriental.

L’œuvre de Jens Rosing, tant artistique que littéraire, lui vaut de nombreuses récompenses.

Jens Rosing décède à Humlebæk, au Danemark, en 2008. Il laisse derrière lui un capital culturel immense dédié au Groenland et, plus largement encore, au Nord.

La rédaction de cette biographie est basée sur les documents écrits disponibles lors d'une recherche collective réalisée de 2018 à 2021. Il est possible que des coquilles et des faits doivent être corrigés. Si vous constatez une erreur, ou si vous souhaitez rectifier quelque chose dans une biographie d’auteur, merci de nous écrire à imaginairedunord@uqam.ca et nous le ferons avec plaisir. C’est de cette manière que nous arriverons à avoir des présentations plus précises, et à mieux faire connaître et mettre en valeur la culture inuite.

 

(c) Laboratoire international de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, Université du Québec à Montréal, 2018-2021, Daniel Chartier et al.