Militante environnementaliste, essayiste et femme politique née à Kuujjuaq (Nunavik) en 1953.
Sheila Watt-Cloutier (variante orthographique : Siila Watt-Cloutier) est née à Kuujjuak, anciennement nommée Old Fort Chimo, en 1953. En 1957, sa famille déménage de l’autre côté de la rivière, dans un endroit alors appelé Fort Chimo, une ancienne base militaire américaine. Sa mère, Daisy Watt (1922-2002), est une interprète et une excellente accordéoniste. Son frère, Charlie Watt, entre au Sénat du Canada en 1983, où il exerce en tant que sénateur pendant 34 ans, et il est élevé au rang d’Officier de l’Ordre national du Québec en 1984. Sheila Watt-Cloutier vit selon le mode de vie traditionnel inuit jusqu’à l’âge de 10 ans. Elle est ensuite envoyée par le gouvernement canadien pour faire ses études primaires en Nouvelle-Écosse, puis au Manitoba, et ses études secondaires à Ottawa. Après ces années passées loin de chez elle, qu’elle trouve difficiles, elle retourne à Kuujjuak à l’âge de 18 ans, pour y travailler dans un centre hospitalier. En 1977, elle s’installe à Montréal avec son mari et ses enfants et fréquente l’Université McGill, pour y suivre, avec d’autres Inuits, un programme de formation spécifique aux fonctions de conseiller, administré par la Commission scolaire Kativik.
Sheila Watt-Cloutier exerce ensuite en tant que conseillère aux étudiants à Kuujjuaq, puis au siège de la Commission scolaire Kativik à Dorval, au Québec, pendant dix ans. La Commission scolaire Kativik administre l’éducation des 14 communautés du Nunavik, en portant tout particulièrement attention à la transmission de la culture, de la langue et des valeurs inuites – tel est son mandat initial. Sheila Watt-Cloutier quitte la Commission scolaire Kativik et travaille en tant qu’experte inuite auprès du Groupe de travail sur l'éducation au Nunavik, comité qui comprend d’autres Inuits. Elle rédige avec ce comité un rapport: « Siatunirmut : le chemin de la sagesse » (1992) qui témoigne des faiblesses du système d’éducation dans les communautés inuites. En 1995, elle est élue secrétaire générale de la Société Makivik, organisation inuite qui promeut le développement économique et social des communautés inuites du Nunavik dans le cadre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Cette même année, elle est aussi élue présidente canadienne du Conseil circumpolaire inuit (CCI). En 2002, elle devient la présidente internationale du CCI, chargée de représenter les peuples inuits de l’ensemble des régions circumpolaires, et occupe ce poste jusqu’en 2006. À ce titre, elle signe la préface de l’Encyclopedia of the Arctic (2005) éditée par Mark Nuttall, outil de recherche essentiel élaboré dans une perspective circumpolaire.
La carrière de Sheila Watt-Cloutier associe étroitement trois aspects qui la définissent comme personne : la défense des intérêts des Inuits, la défense de l’environnement et l’activité d’essayiste par la publication de son ouvrage The Right to Be Cold. Très vite, la question des changements climatiques dans l’Arctique devient son cheval de bataille lorsqu’elle prend conscience de l’influence du réchauffement climatique sur le mode de vie traditionnel des Inuits. Elle s’engage activement et efficacement dans les négociations globales des Nations-Unies contre l’usage des POPs (Persistent Organic Pollutants), qui ont un effet néfaste sur la santé et l’héritage culturel des communautés inuites. En 2005, elle lance une des premières actions en justice liant environnement et droits humains. Elle présente à la Commission interaméricaine des droits de l’homme une pétition pour la reconnaissance du droit inuit au froid. En 2005, elle reçoit plusieurs récompenses et distinctions pour cette action, parmi lesquelles le prix Champions de la Terre par le Programme des Nations unies pour l’Environnement, ainsi que du prix Sophie, un prix international qui récompense l’engagement dans les domaines de l’environnement et du développement. Officier de l’Ordre du Canada en 2006, elle est nominée en 2007 avec Al Gore pour le prix Nobel de la paix. En 2015, elle reçoit le Right Livelihood Award considéré comme le Nobel alternatif.
En 2015, elle publie son autobiographie The Right to Be Cold: One Woman’s Story of Protecting her Culture, the Arctic and the Whole Planet, qui est traduite en français en 2019 sous le titre Le droit au froid. Le livre reçoit des nominations pour plusieurs prix tels que le British Columbia’s National Award for Canadian Non-Fiction, le prix Shaughnessy Cohen pour une œuvre politique et le Prix Canadian Reads de la CBC.
Sheila Watt-Cloutier vit aujourd’hui à Kuujjuaq au Nunavik. Un doctorat honorifique lui a été décerné par l’Université Laval (Québec) en 2020.