Essai historique sur l'histoire des études inuit
Plusieurs d’entre vous avez probablement entendu dire qu’à tous les deux ans, des chercheurs et chercheuses, tant inuit que qallunaat, se réunissent afin de partager leurs connaissances au sujet des Inuit. Ces grands rassemblements sont appelés « Congrès d’études inuit ». Il existe aussi une revue publiée deux fois l’an, qui parle de la culture, de la langue et du mode de vie inuit ; elle a pour titre Études Inuit Studies. Tous deux, congrès et revue, ont été créés et gérés depuis presque cinquante ans par un groupe appelé « Inuksiutiit Katimajiit » (« ceux et celles qui se rassemblent au sujet des Inuit »). Dans cet ouvrage, nous contons l’histoire de ces Inuksiutiit Katimajiit : comment ils ont développé, depuis les années 1970, la diffusion du savoir sur la façon dont les Inuit conçoivent leur propre mode de vie.
Au cours des années 1960, quelques étudiantes et étudiants en anthropologie de Montréal et de Québec furent envoyés au Nunavik, supervisés par Bernard Saladin d’Anglure. À cette époque, comme seul un petit nombre d’Inuit connaissait l’anglais, presque tous ces étudiants apprirent à parler couramment l’inuktitut. Parce qu’ils comprenaient cette langue, ils en vinrent à saisir assez bien ce que les gens pensaient au sujet du monde, du territoire, de l’existence, et d’autres choses encore, ainsi que ce qu’ils considéraient comme important. Ces étudiants désirèrent alors fortement faire connaître à tout le monde, aux Qallunaat comme aux autres Inuit, les conceptions de la vie et les sujets d’importance sus-mentionnés.
En 1970, cette équipe se donna un nom : le « groupe Inuksiutiit ». Presque tous ses membres étudiaient alors à l’Université Laval de Québec, sous la direction de Bernard Saladin d’Anglure. Certains poursuivirent leurs recherches au Nunavik, mais d’autres allèrent au Nunavut, à Iqaluit et Igloolik. Bernard Saladin d’Anglure devint professeur à Laval en 1971 et il en fut de même pour Louis- Jacques Dorais l’année suivante.
Au cours des années 1970, les Inuit du Nunavik cherchaient a signer une entente avec les gouvernements canadien et québécois. Certains leaders inuit se méfiaient de l’Université Laval, la croyant sans doute de mêche avec le gouvernement du Québec. Ils souhaitèrent donc être assistés dans leurs activités de recherche par des spécialistes échappant à l’autorité des universités et des gouvernements. C’est pourquoi, afin d’appuyer les démarches des Inuit, l’équipe Inuksiutiit créa en 1974 un organisme indépendant sans but lucratif, l’Association Inuksiutiit Katimajiit Inc. Ses fondateurs étaient Bernard Saladin d’Anglure, Jimmy Innaarulik Mark (d’Ivujivik) et Louis-Jacques Dorais. L’Association avait pour objectif de développer et diffuser les connaissances portant sur la culture et la langue inuit.
De 1975 à 2003, l’Association Inuksiutiit Katimajiit publia une vingtaine d’ouvrages, dont six en inuktitut, tels le roman Sanaaq de Mitiarjuk Nappaaluk et le dictionnaire de Taamusi Qumaq Inuit Uqausillaringit (copublié avec l’Institut culturel Avataq). La revue Études Inuit Studies fut lancée en 1977 et elle paraît encore aujourd’hui. Le premier des Congrès d’études inuit eut lieu en 1978. On a continué à les organiser jusqu’à maintenant (2022), leur direction et leur contenu étant progressivement pris en charge par les Inuit eux-mêmes.
Avec une présentation de Daniel Chartier.
Ce livre est publié par le Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique, dirigé à l’Université du Québec à Montréal par Daniel Chartier, en coédition avec l’Association Inuksiutiit Katimajiit.
Louis-Jacques Dorais et Bernard Saladin d'Anglure, Inuksiutiit. Un demi-siècle d'études inuit. Inuksiutiit. A Half-Century of Inuit Studies. ᐃᓄᒃᓯᐅᑏᑦ ᐃᓄᐃᑦ ᒥᑦᓵᓄᑦ ᖃᐅᔨᓭᒐᓱᐊᕐᑎᓗᒋᑦ ᐅᑭᐅᓂᑦ 50ᓂᑦ, Montréal, Imaginaire | Nord et Québec, Association Inuksiutiit Katimajiit, coll. «Isberg», 2023, 183p.
En librairie le 30 août 2023