Romancier, aviateur et militant, né à Inukjuak (Nunavik) en 1941 – mort à Inukjuak (Nunavik) en 2020.
Markoosie Patsauq, également appelé Markoosie ou Markassie, est né le 24 mai 1941 à Inukjuak, sur la côte ouest de la Baie d’Ungava, et décédé au même endroit le 7 mars 2020.
Deuxième des cinq enfants d’Alliekayut et Eeta, il est notamment le frère du chroniqueur et homme politique John Amagoalik et du poète Jimmy Patsauq Naumealuk. Avec les siens et six autres familles inuites d’Inukjuak choisies par le gouvernement fédéral, il connaît un traumatisme durable en 1953 : la délocalisation vers l’Extrême-Arctique canadien (Resolute Bay et Grise Fjord), par la Gendarmerie royale du Canada au nom du gouvernement fédéral, sous le prétexte d’offrir de meilleures conditions de vie aux Inuits. L’hostilité du climat, la stérilité des terrains de chasse et le désespoir du déracinement coûtent la vie à certains membres de la famille de Markoosie, notamment sa mère et sa grand-mère. L’absence de soins apportés à sa tuberculose aggrave son état et le conduit à contaminer d’autres de ses compagnons. Il est finalement soigné dans le Manitoba entre 1953 et 1956, avant d’y commencer ses études secondaires.
Markoosie se distingue à la fois par sa carrière d’aviateur, son œuvre d’écrivain et son engagement politique. Les deux premières dimensions de sa vie sont étroitement liées ; la troisième intervient plus tardivement. Diplômé de l’Ecole Sir John Franklin de Yellowknife en 1961, Markoosie complète avec brio une formation de pilote d’avion privé, puis de pilote commercial au centre d'entraînement Sky Harbour Air Services de Goderich (Ontario) entre l’été 1967 et l’été 1968, et devient le premier pilote professionnel inuit au Canada, un événement salué par le Ministère des Affaires indiennes et du Nord qui souligne le caractère inspirant de la carrière de Markoosie pour les Inuits. Les jours de mauvais temps, Markoosie écrit. Repéré par James McNeill, alors directeur d’un programme de développement littéraire inuit organisé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord, il publie son roman ᐆᒪᔪᕐᓯᐅᑎ ᐅᓈᑐᐃᓐᓇᒧᑦ (Uumajursiuti unaatuinnamut) qui paraît en feuilleton dans le périodique inuit Inuttitut avant d’être traduit en anglais par Markoosie en 1970 (Harpoon of the Hunter) et de connaître deux traductions françaises en 1971 et en 2011, cette fois en édition bilingue sous le titre Le harpon du chasseur ᐊᖑᓇᓱᑦᑎᐅᑉ ᓇᐅᒃᑯᑎᖓ. C’est le premier roman inuit publié au Canada, dont le succès s’illustre par de nombreuses autres traductions : allemande (1974), danoise (1995), marathi (2015), hindi (2015). Une nouvelle traduction du roman en français, et une réécriture de l'œuvre en anglais, ont été publiées à titre posthume en 2021, et elles ont fait l'objet d'une polémique. L’expérience d’aviateur de Markoosie lui inspire aussi, entre autres, le récit Wings of Mercy, paru en épisodes dans Inuktitut Magazine entre 1972 et 1973. Cette double reconnaissance au niveau fédéral, en tant qu’aviateur et écrivain, lui vaut l’estime de Jean Chrétien, ministre des Affaires indiennes et du Nord, qui le fait nommer en 1971 dans le directoire de la Panarctic Oils, Ltd. Cette compagnie, alors partiellement gérée par le gouvernement fédéral, a pour objectif d’assurer la souveraineté canadienne dans l’Extrême Arctique et d’en exploiter les ressources en pétrole et en gaz. Enfin, Markoosie lutte aux côtés de son frère John Amagoalik pour faire reconnaître par le gouvernement fédéral le drame humain causé par la délocalisation de 1953, ainsi que ses véritables motivations : garantir la souveraineté canadienne dans la région. Il obtient gain de cause — des excuses officielles et une compensation financière pour les sept familles concernées — en 1996.
Dans les dernières années de sa vie, Markoosie vit à Inukjuak. Il constate avec plaisir la circulation et la transmission du Harpon du chasseur, une histoire de son peuple, en dehors des frontières du Nunavik.