Vebæk, Mâliâraq

Autrice, traductrice, ethnologue et journaliste née le 20 avril 1917 à Frederiksdal (auj. Narsarmijit) (Groenland) - morte à Søborg (Danemark) en 2012.

Mâliâraq Vebæk, aussi nommée Mâliarâq Vabæk, Maaliaaraq Vebæk et Malârâq Vebæk, naît en 1917 à Frederiksdal (auj. Narsarmijit), un village situé dans la partie sud de l’ouest du Groenland et constitué, à l’époque, de 23 maisons abritant une centaine d’habitants. À la naissance de Mâliâraq Vebæk, ce village, anciennement occupé par des missionnaires allemands, est habité par de nombreux pasteurs et catéchistes dont son père, Hans Hoseas Josva Kleist. Ceux-ci sont chargés d’établir l’Église du Groenland. Mâliâraq Vebæk est issue d’une famille de lettrés : son grand-père maternel, Jens Chemnitz, qui a reçu une éducation au Danemark, est l’un des premiers pasteurs groenlandais. Son père siège au conseil communal de Nanortalik et au Parlement provincial groenlandais (Grønlands Landsråd). Une plaque commémorative en son honneur et celui de son épouse, Bolette Marie Ingeborg Chemnitz, est inaugurée en 1979 à Narsarmijit. L’éducation est très importante pour la famille de Mâliâraq Vebæk, qui lui enseigne la lecture et l’écriture. Parallèlement, elle reçoit de sa mère des connaissances inuites telle que le tannage du cuir.

Adolescente, Mâliâraq Vebæk est admise dans une efterskole (école de cycle secondaire destinée aux élèves de 14 à 18 ans) à Egedesminde (auj. Aasiaat) dans le nord du Groenland. Il s’agit d’une école prestigieuse dont l’entrée est sanctionnée par un examen d’admission. Avant la fondation de cette école en 1932, les jeunes filles groenlandaises n’avaient pas la possibilité de poursuivre une éducation secondaire. Meilleure élève de sa promotion, Mâliâraq Vebæk obtient son diplôme en 1934 et devient l’une des femmes les plus éduquées du Groenland. Cela lui permet de décrocher une bourse pour entrer, en 1935, au Theodora Langs Seminarium à Silkeborg (Danemark). Elle y obtient un diplôme d’enseignante en 1939, malgré les difficultés que lui pose la maîtrise du danois. Elle rentre au Groenland après 5 ans d’absence et devient la première femme groenlandaise à avoir atteint un niveau d’éducation universitaire.

Au Groenland, elle travaille comme enseignante à Jakobshavn (auj. Ilulissat), Egedesminde (auj. Aasiaat) et Frederikshaab (auj. Paamiut). En 1939, elle rencontre Christen Leif Vebæk, un archéologue et conservateur au Musée national du Danemark. Ils se marient le 4 août 1945, après avoir été séparés pendant la guerre, elle vivant au Groenland, lui au Danemark. Ils ont deux filles : Bolette, née en 1946, et Astrid, en 1947. Après la Seconde Guerre mondiale, la famille s’installe au Danemark, mais revient régulièrement au Groenland, notamment pour effectuer des fouilles archéologiques. Mâliâraq Vebæk est l’interprète de son époux et élève leurs enfants. Au fil des années, elle s’occupe aussi de constituer des sondages ethnologiques en kalaalissut (langue groenlandaise), qu’elle traduit en danois pour les chercheurs, ainsi que de collecter des récits, chants et légendes traditionnels groenlandais. Ce premier contact avec l’ethnologie et la traduction inspire Mâliâraq Vebæk, qui s’intéresse de plus en plus aux éléments fondateurs de la culture groenlandaise.

À la fin des années 1950, Mâliâraq Vebæk déplore la déperdition de la culture groenlandaise chez les jeunes générations. Pour pallier ce manque, elle publie une série de six récits et légendes groenlandais en 1957, dont “Aqigsiaq” et “Narrâjît”, parus dans le journal Grønland. Dès 1958 et pendant près de 20 ans, elle travaille comme interprète pour l’antenne de Copenhague (Danemark) de la Kalaallit Nunaata Radioa (KNR), la radio nationale groenlandaise. Elle lit à l’antenne ses propres textes ainsi que des romans scandinaves. Elle écrit aussi des pièces de théâtre radiophoniques, dont les personnages sont incarnés par d’autres Groenlandais vivant au Danemark. De plus, elle traduit du danois au groenlandais les romans du Danois Henrik Pontoppidan, de l’Islandais Halldór Laxness, du Féroïen William Heinesen et du Suédois Per Lagerkvist, pour n’en nommer que quelques-uns.

À Copenhague, Mâliâraq Vebæk s’implique aussi dans plusieurs associations groenlandaises, notamment “Det Grønlandske Hus” (« La maison groenlandaise »). Elle entre ainsi en contact avec des Groenlandais défavorisés, surtout des femmes. Elle participe au rapport Grønlændere i Danmark en 1971, sous la direction de Pie Barfod, qui analyse les conditions de vie des Groenlandais installés au Danemark. Elle traduit ce rapport en groenlandais l’année suivante, sous le titre Kalâtdlit Danmarkime. Mâliâraq Vebæk s’intéresse particulièrement aux conditions des femmes groenlandaises mariées à des hommes danois, ce qui constitue une source d’inspiration dans son parcours d’écrivaine. Elle se consacre aussi au journalisme et à la critique artistique et littéraire.

En 1981, Mâliâraq Vebæk publie son premier roman, Bussimi naapinneq (« La rencontre dans le bus »). Ce roman raconte les destinées de deux femmes groenlandaises qui vivent au Danemark, dont l’une, Katrine, connaît une fin tragique. Búsime nâpinek a une résonance importante dans l’espace littéraire scandinave : Mâliâraq Vebæk reçoit entre autres le Grønlands Forfatterforenings Pris (Prix de l’Union des écrivains du Groenland) en 1982. Elle traduit elle-même son roman en danois sous le nom Historien om Katrine (littéralement : « L’histoire de Katrine »). Il est aussi traduit en russe et en sâme en 1988. Ce roman, qui a gagné un large lectorat, notamment par sa parution épisodique dans le journal Atuagagdliutit. Grønlandsposten en 1993 et 1994, a une signification féministe importante : les personnages principaux sont des femmes qui ont des rôles actifs et complexes. De plus, ces femmes groenlandaises ont suivi leurs époux danois pour s'installer au Danemark, tout comme l’autrice. À la différence de celle-ci, les personnages du récit évoluent de désillusions en désillusions. Mâliâraq Vebæk amorce par ce roman une réflexion où se rejoignent inégalités de genre et raciales. En 1992, elle publie la suite de son roman sous le titre Ukiut trettenit qaangiummata (littéralement : « Treize ans plus tard »). Dans cette suite, la protagoniste centrale est Émilie, la fille de Katrine, qui doit composer avec le racisme danois et renouer avec ses origines groenlandaises. L’ouvrage est traduit en danois en 1997 sous le titre Tretten år efter (littéralement : « Treize ans plus tard »).

Dans les années 1980 et 1990, Mâliâraq Vebæk publie plusieurs nouvelles et poèmes en danois et en groenlandais. En 1990, Mâliâraq Vebæk publie une anthologie lourde de sens, en danois : Navaranaaq og andre: de grønlandske kvinders historie (littéralement : « Navaranaaq et les autres : Histoire des femmes groenlandaises, des origines jusqu’à nos jours »). Dans cet important recueil, élaboré à partir de la somme des matériaux ethnographiques qu’elle a pu collecter, elle raconte la vie de femmes groenlandaises marquantes, depuis la légende de Sedna, la déesse de la mer, jusqu’aux femmes politiques contemporaines. L’ouvrage est traduit en groenlandais en 1996 sous le titre Navaranaaq allallu : Kalaallit arnat oqaluttuassartaat. En 1995, Mâliâraq Vebæk collabore avec l’artiste groenlandaise Aka Høegh pour créer un livre pour enfants autour de la légende de Sedna. Le livre intitulé Sassuma Arnaanut pulaarneq est publié en 1995, réimprimé en 1999, réédité en 2015 et en 2018. Il est traduit en danois sous le titre Besøg hos havets moder en 1995 ainsi qu’en anglais sous le titre A Journey to the Mother of the Sea en 1999.

Au fil de sa carrière, Mâliâraq Vebæk se produit dans le cadre de diverses conférences au Danemark, au Groenland et à l’étranger, où elle lit ses œuvres et communique sur les sujets relatifs à la culture et aux traditions groenlandaises. Les dernières années de la vie de Mâliâraq Vebæk sont consacrées à la transcription et à l’édition de sa grande quantité d’enregistrements sur bande magnétique des récits folkloriques du sud du Groenland. Ceux-ci sont publiés dans des anthologies telles que The Southernmost People of Greenland (2006), en dialecte du sud du Groenland et en anglais.

En 2001, Mâliâraq Vebæk reçoit le Grønlandske Kulturpris (« Prix de la culture groenlandaise ») pour l’ensemble de son œuvre.

Mâliâraq Vebaek meurt à Søborg (Danemark) le 25 février 2012.

La rédaction de cette biographie est basée sur les documents écrits disponibles lors d'une recherche collective réalisée de 2018 à 2021. Il est possible que des coquilles et des faits doivent être corrigés. Si vous constatez une erreur, ou si vous souhaitez rectifier quelque chose dans une biographie d’auteur, merci de nous écrire à imaginairedunord@uqam.ca et nous le ferons avec plaisir. C’est de cette manière que nous arriverons à avoir des présentations plus précises, et à mieux faire connaître et mettre en valeur la culture inuite.

 

(c) Laboratoire international de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, Université du Québec à Montréal, 2018-2021, Daniel Chartier et al.