Artiste interdisciplinaire, poétesse, performeuse, musicienne, rappeuse et artiste visuelle née à Fairbanks (Alaska) en 1972.
Aisa Warden (autrefois connue sous le nom d’Allison Akootchook Warden ou, parfois, d’Allison Warden), naît en 1972 à Fairbanks, en Alaska. Aisa Warden est Iñupiaq, et une membre de la communauté autochtone de Kaktovik, avec des racines familiales à Utqiagvik (anciennement Barrow), en Alaska. Elle est élevée dans la foi presbytérienne par sa mère, qui était pasteure. Elle témoigne dans le documentaire WE UP: Indigenous hip-hop of the circumpolar North (2018) avoir vécu avec sa mère, après le divorce de ses parents survenu quand elle avait deux ans, dans un parc de maisons mobiles, où elle a connu pauvreté et racisme. C’est pour faire face à ces expériences qu’elle a cherché des échappatoires créatives, d’abord avec le théâtre, puis avec le hip-hop et, enfin, avec la poésie.
Elle obtient en 2003 un certificat d’ingénierie audio de l’Institute of Audio Research (New York). Par la suite, de 2008 à 2016, elle est guidée dans sa pratique artistique par son mentor et collaborateur James Luna, un artiste mexicano-américain issu de peuples autochtones de Californie, puyukitchum et ipai. Engagée dans la revitalisation du marquage (tatouage) inuit traditionnel, Aisa Warden se forme auprès de Marjorie Tahbone en 2016. Elle est aussi accompagnée dans son apprentissage de la langue iñupiaq par Edna Ahgeak en 2018. De 2009 à 2018, elle intervient comme enseignante et artiste en résidence dans le cadre de programmes scolaires et d’ateliers, où elle enseigne les arts à des gens de tous les âges.
Depuis 2003, Aisa Warden mène une carrière de poétesse, d’artiste de rap et d’artiste interdisciplinaire. Elle a ainsi performé et a exposé ses œuvres aux États-Unis, au Canada, en Islande, en Suède, en Finlande, en Norvège, en Estonie et au Groenland. Sa pratique s’affranchit des frontières disciplinaires, pour inclure la performance, l’installation, la création audiovisuelle, la musique, le rap et la poésie. Elle explore des thématiques culturelles et identitaires liées à la sauvegarde et à la revitalisation de la langue et de la culture iñupiaq. L’environnement et les conséquences des changements climatiques dans l’Arctique sont aussi des thèmes récurrents de son œuvre.
Aisa Warden commence à apprendre le rap à l’âge de vingt-deux ans, au milieu des années 1990, mais elle ne produit ses propres chansons qu’à partir de 2003. Elle adopte le nom de scène AKU-MATU, formé d’une combinaison du nom de son amau (arrière-grand-père), Akootchook, avec le nom de son attata (grand-oncle), Matumeak, bien connu en tant que compositeur de chansons et directeur d’une chorale iñupiaq. Aisa Warden collabore à partir de 2010 avec Waylon Dungan, aussi connu sous le nom de WD4D. Elle utilise le hip-hop comme un outil de revitalisation de la langue iñupiaq, particulièrement auprès d’un jeune public. Elle intègre ainsi souvent des mots et des passages en iñupiaq dans ses chansons, dans lesquelles elle interprète différents personnages, des animaux ou encore une ancêtre, comme dans Ancestor from the future (2017). Elle est aussi membre du groupe de musique Yada Di, avec la trompettiste Yngvil Vatn Guttu et la compositrice et violoniste Elena Lukina. Katie Medred, journaliste au Anchorage Press, décrit en 2013 ce groupe aux influences musicales variées comme une anomalie, par sa nature expérimentale qui échappe à un genre en particulier et par son intégration d’éléments de l’art de la performance. En 2016, Aisa Warden cofonde avec son cousin Isaiah Patkutaq McKenzie le groupe de danse iñupiaq traditionnel Kisaġvigmiut.
Au cours des années 2010, Aisa Warden porte son activité musicale à l’écran, ce qui lui permet de promouvoir le rap autochtone américain auprès du grand public. Elle joue ainsi le rôle d’une artiste de rap dans le court-métrage Feels good, réalisé en 2016 par Andrew Okpeaha McLean et présenté la même année au festival du film ImagiNative. Elle avait d’ailleurs joué quelques années auparavant dans un long-métrage du même réalisateur, On the ice (2011). En 2018, elle participe au documentaire WE UP: Indigenous hip-hop of the circumpolar North, produit par le musée d’Anchorage (Alaska).
L’œuvre de rappeuse d’Aisa Warden se nourrit également de son œuvre de poète. En 2013, elle commence à publier des twitter poems, des poèmes de 140 signes ou moins sur le réseau social Twitter (aujourd’hui X). Ses poèmes sont par la suite présentés sous la forme d’une installation à l’exposition Unsettled, réalisée par les commissaires JoAnn Northrup et Ed Ruscha pour le Musée d’art du Nevada en 2017. Puis, de 2018 à 2023, ses twitter poems sont exposés au musée d’Anchorage, qui publie aussi une collection de ces poèmes rédigés entre le 24 novembre 2013 et le 3 mars 2017 dans un petit livre en édition limitée, Taimanisaaq/Akkupak. (Long Long Time Ago / Right Now). Twitter Poems (2017). En 2018, Aisa Warden participe au projet multimédia Insidious Rising, produit en collaboration avec Google Arts and Culture, qui explore les conséquences présentes et futures de la fonte des glaciers.
Aisa Warden s’est depuis éloignée du rap et rapprochée de la poésie. Elle publie des poèmes dans plusieurs magazines et revues, dans lesquels elle explore les thèmes de l’environnement, de la transmission des savoirs, de la langue ou encore de la reconnaissance territoriale. Elle fait ainsi paraître le poème « we acknowledge ourselves » dans un numéro thématique sur les reconnaissances territoriales du magazine Poetry en 2022. Son poème « let’s try it this way for the last ones » est publié dans la revue Anomaly en 2023.
Depuis 2008, Aisa Warden a présenté plusieurs performances et installations en tant qu’artiste interdisciplinaire. Elle conçoit en 2008 la performance Ode to the polar bear pour le théâtre Out North (Anchorage). Le spectacle circule ensuite en Alaska, au Groenland, en Finlande et à Londres. Cette première performance débouche ensuite sur une nouvelle création, All polar bears, présentée pour la première fois en 2011 au théâtre Pangea World (États-Unis). Ces deux performances proposent une critique écoféministe décoloniale des crises écologiques et de leurs effets sur les peuples autochtones en Alaska par l’investissement de la figure de l’ours polaire. En 2016, Aisa Warden présente sa première exposition solo, Unipkaaġusiksuġuvik (the place of the future/ancient), au musée d’Anchorage, exposition qu’elle décrit comme une installation performative et de pratique sociale. Unipkaaġusiksuġuvik reprenait l’organisation spatiale et la fonction d’un qargi, un espace communautaire et lieu d’apprentissage et de fêtes pour les Iñupiaq. L’installation mélangeait ainsi archives, artefacts, objets technologiques et création artistique, dans une réflexion sur les liens entre passé, présent et futur du point de vue iñupiaq. Les deux mois de l’exposition ont aussi été ponctués de performances, d’ateliers et d’interventions réalisés par Aisa Warden et par d’autres artistes et militantes et militants autochtones. Aisa Warden livre ensuite en 2017 la performance siku/siku, qui explore le traumatisme de la colonisation par le prisme des dépendances – siku désigne en iñupiaq la glace, mais est aussi utilisé comme autre nom pour la méthamphétamine (ou meth). Aisa Warden y incarne deux personnages différents, qui ne sont en fait qu’une seule et même personne : une personne qui a consommé de la meth et une personne en vêtement traditionnel et travaillant à la revitalisation de la langue iñupiaq. Présentée pour la première fois au Sommet des arts de l’Arctique (Arctic Arts Summit; Norvège) en 2018, la performance a fait l’objet de plusieurs reprises. En 2022, Aisa Warden présente à l’ Institut d'art contemporain de Portland (Portland Institute for Contemporary Art; États-Unis) l’œuvre Taigruaq, créée en collaboration avec l’artiste groenlandais Aqqalu Berthelsen. Réalisée entièrement en iñupiaq, l’œuvre a pour sujet le pétrole et ses effets sur l’environnement.
Aisa Warden reçoit en 2012 le prix de la Fondation Rasmuson pour un artiste individuel (catégorie performance). Elle est récompensée par le Prix du Gouverneur de l’Alaska pour les arts et les humanités (Alaska Governor’s Award for the Arts and Humanities) en 2015. En 2016, elle est reconnue par le média indépendant Grist, qui la fait figurer dans sa liste annuelle des 50 leaders environnementaux à suivre. Elle est aussi récipiendaire de plusieurs bourses en arts de la performance, en musique et en pratique interdisciplinaire.
Aisa Warden a longtemps vécu à Anchorage, mais elle vit depuis 2024 au Texas (États-Unis).
Alaska Inupiaq artist Aisa Warden. Interview with Daniel Chartier
“We acknowledge ourselves” lu par l'artiste Iñupiaq Aisa Warden
“Let's try it this way for the last ones” lu par l'artiste Iñupiaq Aisa Warden